Savoir poser ses limites quand on est artiste
Salut les artistes !
J'espère que vous allez bien. Moi, je suis très heureuse de vous retrouver aujourd'hui pour ce nouvel épisode qui me tient beaucoup à cœur. Cet épisode se nomme "Comment poser ses limites ?". Comment poser ses limites quand on est artiste ? C'est tellement difficile de trouver un équilibre pour être satisfait, arriver à avoir des projets et des opportunités et en même temps préserver ses intérêts.
C’est la raison pour laquelle je fais cet épisode aujourd'hui, c'est pour vous donner quelques conseils, en tant qu'artiste, pour protéger vos intérêts.
Le sujet des limites raisonne peut-être en vous. En tant qu'artiste, vous avez peut-être déjà été confronté à une situation où vous avez eu l'impression que quelqu'un avait franchi ou dépassé vos limites. Cet épisode est important parce qu’il vous aide à savoir comment éviter que ces situations ne se répètent.
La première chose à se rappeler, c'est que les gens ne connaissent pas vos limites. Tout le monde a des limites extrêmement différentes.
Cela peut nous sembler incroyable parce que quand nos limites sont franchies, nous avons l'impression qu'elles sont universelles. Effectivement, il y a des limites universelles, mais la réalité, c’est que les gens sont souples et complexes. Ils n’ont pas les mêmes vécus, les mêmes expériences et par conséquent pas les mêmes limites.
Ce qui est très important, c'est de ne pas hésiter à rappeler ses limites. « Ça peut sembler banal, non, ça paraît même pas banal, ça paraît hallucinant, parce qu’on devrait, on se dit : on n'a pas à devoir rappeler les limites, c'est du bon sens ».
Mais la réalité est que quand on est dans les affaires, quand vous êtes artiste et que vous travaillez sur un projet de commande, un projet de création in situ ou un projet avec des parties prenantes, on est dans le monde des affaires.
Le monde de l'art, c’est aussi le monde des affaires. On doit respecter un certain niveau de qualité, des coûts, des délais et ça implique indéniablement le sujet des limites. Et dans le monde de l’art et de la création on est impliqué émotionnellement.
Je crois que c'est ce facteur qui rend ce secteur si singulier. Parce que dans le monde de l'entreprise, il y a également des gens impliqués, mais dans le monde de l'art, on s’investit pleinement et personnellement.
Quand on présente une exposition, quand on est artiste, on se dévoile, on se met à nu. Donc naturellement, le rapport à nos propres limites est beaucoup plus sensible que dans le monde de l'entreprise.
Il faut absolument rappeler ses limites. « Et je pense que quand vous devez les rappeler, la chose à garder en tête, moi, ça me sert beaucoup, c'est que vous devez vous mettre dans la posture de quelqu'un qui explique les limites à un enfant de douze ans. »
Cette méthode peut paraître étrange mais je peux vous assurer que le rapport à la pédagogie est très important quand on exprime ses limites. Tout d’abord, parce que ça permet d’éviter l'agressivité. Ce n'est pas très conseillé d'être agressif avec un enfant de douze ans quand on présente ses limites.
Je ne suis pas une adepte de la psychologie positive et de l'éducation positive. Mais quand nous souhaitons faire passer des messages, c’est plus judicieux de le faire avec calme, douceur, clarté et fermeté.
Cette logique il faut l’adopter avec des interlocuteurs professionnels. Vous devez faire de la pédagogie, vous devez expliquer pourquoi vous avez ses limites. Vous devez vous dire que la personne en face n’a peut-être pas compris initialement. Comme un enfant, il ne pourrait pas comprendre initialement quelque chose qui peut nous sembler évident. Dans vos relations professionnelles, c’est identique. Il faut rappeler ses limites de façon posée, calme tout en étant ferme et claire.
Deuxièmement, n'oubliez jamais la politesse. Cela peut sembler banal comme conseil mais vous ne pouvez pas rappeler vos limites ou signifier à quelqu'un qu'il les a franchies et donc qu’il faut qu’il se réajuste, si vous ne faites pas preuve de politesse. Cela n’est pas cohérent. Si vous reprochez à quelqu'un d'avoir dépassé les limites en dépassant vous-même les limites, ça ne peut pas fonctionner.
Vous avez le droit d'être en colère, mais vous devez rester poli. La colère, ce n’est pas nécessairement de la violence. Vous avez le droit d'être mécontent, mais vous devez toujours rester poli.
C’est un conseil très précieux, car il en va de votre crédibilité et de votre réputation. J'ai déjà travaillé avec des artistes extrêmement impolis. Et comme je suis quelqu'un d’honnête, je ne le raconte pas régulièrement, mais je peux vous assurer que les personnes qui sont impolies, je ne les recommanderai jamais dans ce rapport à la politesse. Il est essentiel, il est évident mais j'aime toujours le rappeler.
Troisième point, concernant l'expression de vos limites, je vous recommande toujours de parler de votre ressenti. C’est-à-dire qu’il ne faut jamais accuser une personne frontalement.
Il faut exposer à cette personne que son attitude, ses réactions ont eu un impact sur vous. De cette façon, la personne ne se fermera pas au dialogue et vous éviterez de faire de ce problème une grosse histoire.
Ensuite, vous avez le droit d’exprimer ce que vous avez ressenti dans cette situation. L’objectif est d’expliquer à l’autre que certaines limites ont été franchies.
Il n’est pas nécessaire de rentrer systématiquement dans une forme de justification. Si certaines limites ont été franchies, vous avez le droit de dire que malheureusement, les derniers échanges ne vous ont pas convenu et que vous n'êtes pas en accord avec ce qui a été dit ou la façon dont cela a été fait. Par conséquent, vous souhaitez mettre fin à la collaboration.
Par ailleurs, il faut garder à l’esprit, que vous n'êtes pas toujours obligé de vous justifier. Vous pouvez tout à fait réexpliquer les limites qui ont été franchies selon vous et annoncer : « la collaboration prend fin, parce que vous l'avez décidé, parce que selon vous, les limites ont été franchies et cela n'est pas possible de continuer dans un tel contexte ».
Ne vous sentez pas contraint de rentrer dans de longues explications. Rien ne vous oblige à vous justifier comme quelqu'un qui ferait un caprice ou qui ferait quelque chose de mal. Il ne faut pas que les rôles soient inversés, vous n’êtes pas responsable de la situation.
Naturellement c'est une issue extrême. Vous pouvez tout à fait réexpliquer et réaffirmer vos limites pour qu’il y ait des réajustements durant le projet. Vous n'êtes pas obligé de mettre fin à toutes vos collaborations si des limites ont été franchies.
Très souvent, les gens ne connaissent pas vos limites, surtout si vous ne les avez pas verbalisés ou expliqués. Il faut donc avoir une démarche de pédagogie, si vous avez intérêt à continuer une collaboration.
De plus, je vous recommande de ne pas vous cacher derrière des mails ou des écrits. Si des limites ont été franchies, osez prendre votre téléphone et l’expliquer à la personne, avec toujours beaucoup de pédagogie, de calme, de douceur et un peu de colère, si c’est ce que vous ressentez. Tout en restant poli et factuel en expliquant que des limites ont été franchies et que vous souhaiteriez qu’il y ait des réajustements.
L’oral ou le téléphone ça permet également de désamorcer beaucoup de choses tandis que l’écrit peut s’avérer risqué et peut parfois amplifier ce qui pose problème. De plus, derrière des écrits, on n’a pas le ton de la personne, il est plus facile de l’interpréter et par conséquent de se braquer.
Tandis que lorsqu’on prend son téléphone, on peut plus aisément se calmer. Parce que c’est plus facile d’être virulent derrière un clavier. Mais il est surtout plus facile, de faire preuve de compassion pour l'autre. L'autre peut aussi se révéler et ce n'est pas toujours le cas dans un mail, ça n’a pas toujours sa place à l'écrit.
À l'oral, une situation qui peut paraître d’apparence complexe et tendue peut très vite se régler. Donc je vous recommande de prendre votre téléphone. Un appel est mieux qu'un mauvais mail.
En revanche, ça ne veut pas dire qu’il ne faut pas mettre les choses par écrit. Moi, je vous recommande tout de même et je trouve cela essentiel de toujours remettre par écrit les ajustements qu’il peut y avoir dans une relation professionnelle.
« Mais ne commencez pas à enregistrer les conversations ! On n'est pas aux États-Unis, d'accord. Cependant, tracer et rappeler ce qui a été dit, ce qui a été convenu dans un mail. » C'est ce que je vous conseille parce que ça permet de laisser des traces.
Ensuite, dans le rapport à l'écrit, il y a aussi le rapport contractuel. Je vous recommande très vivement de contractualiser vos échanges professionnels et vos projets, parce que parfois, même si on a confiance en notre interlocuteur, notre client, il faut contractualiser. À titre personnel, il m’est encore arrivé de ne pas contractualiser un projet et de le regretter.
On ne connaît jamais vraiment notre interlocuteur et comme on le dit chez moi : « tout le monde est gentil jusqu'à ce qu'il ne le soit plus ». C’est trop douloureux, c'est trop frustrant, c'est trop décevant de voir que parfois, du travail a été fourni et que pour une raison même valable, le projet est avorté. La seule chose qui peut vous protéger de cette situation, c'est le contrat.
Même si parfois vous me direz, même avec un contrat, il arrive des problèmes. Il faut contacter un avocat et dépenser de l'énergie, du temps et tous les artistes n'ont pas de l'énergie et du temps.
Il y a aussi des structures qui peuvent vous aider juridiquement. Si un jour, le problème est en dehors de votre spectre de compétences, que vous vous sentez mal à l’aise vis-à-vis de la situation et que vous avez l’impression de laisser passer une injustice.
Vous pouvez vous faire accompagner par l’ADAGP, qui peut vous soutenir dans ses permanences pour vous conseiller. Puis, vous avez des avocats qui sont spécialisés, le cabinet Aoedé notamment, si vous avez besoin d'être accompagné par des professionnels du monde de l’art.
Dans des contrats, ce qui est conseillé, c'est vraiment d'être clair sur ce que vous pouvez délivrer, ce que vous pouvez créer et produire, vous en tant qu'artiste et sur les trois points suivants : qualité, coûts, délais. Si vous êtes clair et si vous posez vos limites sur ces sujets, tout devrait bien se passer. Par exemple, s’il est question de réduire une partie du budget, il faut impérativement que l'un des deux autres points (qualité ou délai) soit modifié.
Il ne faut pas oublier d’être très clair sur les limites qui sont les vôtres et qui vont encadrer la réalisation de votre projet, de votre œuvre, de votre résidence, de votre prestation. Qu'importe le sujet, vous devez exprimer vos limites, les écrire dans un contrat, les rappeler quand il y a des désaccords à l'oral de façon claire, tout en restant poli afin de pouvoir discuter ensuite de comment les choses peuvent être réajustées.
Évidemment, n'hésitez pas à faire preuve de pédagogie si les personnes franchissent vos limites ou s'en rapprochent dangereusement, pour rappeler que même si vous êtes souple et flexible, vous avez aussi envie d'une bonne entente et pour cela il y a des limites à ne pas franchir.
« Exprimer vos limites ne fait pas de vous un artiste insupportable, ennuyeux ou peu professionnel. »
J’espère que cet épisode aura été instructif, qu'il aura éveillé en vous la notion de justice et qu’il vous aura permis de comprendre que vous avez le droit de rappeler ce qui vous convient et ce qui ne vous convient pas.
Je pense que c’est essentiel pour votre développement que vos limites soient exprimées et respectées. Car si ce n’est pas le cas, vous n'allez pas pouvoir vous épanouir pleinement dans votre vie d'artiste.
« Vous devez être à l'aise avec votre ventre le soir, quand vous vous couchez. » Il y a beaucoup de choses qui se passent au niveau mental quand on est artiste, mais il y a aussi des choses qui se passent au niveau du ventre. Et si, au niveau du ventre, ça ne va pas, je crois que c'est parce qu'il faut peut-être rappeler à nouveau les limites ou en tout cas, s'inquiéter des limites qui vont bientôt être franchies - pour vous, pour vous protéger et pour protéger vos intérêts.
N'hésitez pas à partager cet épisode avec un ou une artiste qui pourrait être intéressé(e) par ce sujet « des limites ». De mon côté, je vous dis à bientôt pour un prochain épisode !