Améliorer la rentabilité de ses activités d'artiste

Salut les artistes !

J'espère que vous êtes en forme et que la nouvelle lumière, la nouvelle saison, le soleil viennent briller à l'intérieur de votre cœur et de votre atelier autant que brille ma veste rose à fleurs bleues.

Je suis heureuse de vous retrouver aujourd'hui parce que nous allons parler d'un sujet qui me semble essentiel : la rentabilité.

Je sais que c'est un mot qui peut faire peur quand on parle d'art, quand on s'adresse aux artistes. J’entends déjà des commentaires me dire que la rentabilité n’a pas sa place dans le monde de l’art.

Je le sais parce que j'ai déjà reçu des critiques similaires suite à l’épisode où je parlais d’argent. L’argent et ce qui gravite autour, c’est tabou. Je suis consciente que le sujet de la rentabilité peut être complexe parce qu’il rime pour certains et certaines avec entrepreneur, entreprise, capitalisme. Autant d’éléments qui sont, comme je le sais, aux antipodes de la création artistique.

Je suis très consciente que l’art n’a pas comme vocation première d’être rentable. Que pour vous, les artistes, l’acte de créer n’est aucunement lié à l’idée d’une quelconque rentabilité.

En revanche, je travaille avec des artistes depuis assez longtemps pour observer qu’ils et elles souffrent bien souvent d'un manque de rentabilité. Parce qu’être artiste, créer et vendre ses œuvres, ce n'est pas toujours synonyme d’un équilibre parfait entre le temps, l’énergie et l’argent investis pour ses pièces et le bénéfice perçu.

Or, la définition de la rentabilité, c’est bien cela. C’est avoir une activité qui demande un investissement proportionnel aux bénéfices qu’il va être possible de dégager, voire même idéalement un bénéfice supérieur à l'investissement donné.

C’est autour de cette notion que je souhaite vous transmettre mes conseils. La question n'est évidemment pas de vous dire que votre activité d'artiste doit être basée sur la rentabilité.

Mais être artiste, c’est aussi penser à sa rentabilité.

Naturellement, je sais bien que votre métier appartient avant tout à l’acte de créer et que le choix d’être artiste, cette vocation de se présenter au monde, de prendre la parole et de faire émerger des œuvres qui vont procurer de l’émotion.

Ou plus simplement, il arrive que ce métier s’impose à nous comme une vocation et il nous semble inconcevable de faire autre chose que cela.

Mon rôle en tant qu’hôte de ce podcast et plus largement mon métier aujourd’hui, c’est d'accompagner les artistes dans leur indépendance, leur développement et leur carrière.

Il est donc nécessaire que je revienne sur cette notion afin que vous puissiez la découvrir, l'apprivoiser et la faire entrer dans votre quotidien.

Alors pourquoi pas ? Pourquoi faudrait-il rendre la rentabilité taboue ?

Je crois, quand on est artiste, que l’on est obligé de s'ancrer dans la société dans laquelle on vit, pour pouvoir en parler, pour pouvoir s'exprimer dessus. Et aujourd’hui, l’aspect économie et le capitalisme revêtent une place importante.

C’est inhérent à notre société, il faut en être conscient. Toutefois, il est possible de ne pas être en accord avec cela et de militer contre. Mais en attendant que les fruits de votre militantisme et même du mien ne portent leurs fruits, nous évoluons dans cette société.

Je pense sincèrement que vous avez tous un intérêt à accepter cette économie pour vous en servir par la suite. Comme disait récemment Jean-Marc Dumontet sur un plateau de télévision :

« Il faut comprendre l’économie pour servir l’artistique. »

Je crois que c'est une phrase que tous les artistes doivent apprivoiser. Si ce n'est pas accepté, il est au minimum nécessaire de commencer à l'apprivoiser. Commencez à l'accueillir, parce que si on ne comprend pas l'économie, on ne peut pas servir l’artistique.

On me répète souvent que les artistes ne sont pas concernés par ces sujets commerciaux. Qu’il suffit de regarder l’histoire et le parcours de Vincent Van Gogh qui, malgré un succès mondial post-mortem, n’a jamais de son vivant pu vivre de son art. Comme si le fait de pouvoir vivre de son art était quelque chose de rabaissant.

Il me semble capital de rappeler que Vincent Van Gogh a vécu grâce au mécénat de son entourage et de sa famille, en majorité. Et que c’était quelqu'un qui avait une santé mentale instable, qui lui a valu plusieurs séjours dans des services psychiatriques et qu’il a potentiellement mis fin à ses jours.

Je doute que ce soit ce que l’on souhaite aux artistes d'aujourd'hui. Pourquoi ne pas valoriser d'autres grands artistes dans l'histoire de l’art qui avaient une logique commerciale en allant chercher des commandes comme le faisait Pierre Paul Rubens.

Je crois qu'il est important de parler et de démystifier ce sujet qu’est l'argent, la rentabilité et c'est pourquoi je fais ce podcast. Pour penser rentabilité et pour réajuster peut-être aussi sa rentabilité avec son activité artistique.

Je vous invite donc à deux choses : la première, c'est de commencer à lister vos coûts et vos charges. Que cela soit dans votre vie personnelle ou dans votre vie professionnelle d’artiste, l'atelier, les matériaux… Je vous laisse choisir les postes de dépenses qui concordent avec vos objectif en terme de revenus et de bénéfices que vous souhaitez générer.

Objectif que vous pouvez assurément ajuster au fil des années. Mais je vous invite à réfléchir avec un chiffre d'affaires par année. Combien vous voudriez que votre activité d'artiste vous rapporte.

Ne réfléchissez pas de façon mensuel, je vous conseil vivement de penser de façon annuel. En tant qu’entrepreneur, la réflexion est identique, on se demande combien nous souhaitons générer sur douze mois.

Vous pouvez débuter cet exercice en calculant vos charges, vos dépenses et sur la base de ses dernières un montant que vous souhaitez idéalement générer. Puis, je vous invite à poser noir sur blanc vos recettes.

En tant qu’artiste, combien avez fait de vente cette année ? Combien de bénéfice avez-vous pu générer ?

Vous pouvez également faire le point sur le temps que vous demande la réalisation d'une pièce et en parallèle, regarder les prix auxquels vous la présentez. Combien vendez-vous les œuvres qui vous ont pris tant de temps à réaliser ?

Après avoir dressé un tableau avec, d'un côté, vos charges, vos coûts et de l’autre, vos recettes ainsi que la source de vos ventes, vous pouvez vous demander comment il est possible d’améliorer ce ratio.

La question que vous devez vous poser, selon moi, c'est : quel levier puis-je actionner pour vendre davantage ?

Sur le plan économique, vous pourriez aussi vous pencher sur la question suivante : comment pourrais-je baisser mes investissements ? C'est une question que vous pouvez méditer.

À titre personnel, je trouve qu’en tant qu’artiste, c’est une question qui est moins pertinente parce que vous avez dans vos charges des coûts de matériaux qui peuvent parfois être très élevés.

Je pense par exemple à la céramique, c'est une matière et un médium qui est cher à votre cœur, mais que vous n'arrivez pas à vendre pour l'instant à la hauteur de vos investissements.

Au vu des coûts engendré je n’ai pas envie de vous dire de revoir vos investissements à la baisse parce que cela induirait de changer de médium ou de prendre un four de qualité moindre. Voyez-vous, je trouve que dans l’art contemporain ça fonctionne beaucoup moins.

Néanmoins, vous questionnez sur comment faire évoluer vos prix par rapport à ces céramiques. Comment trouvez des partenaires commerciaux qui pourraient distribuer vos œuvres à un prix supérieur ? Comment atteindre un autre marché ? Comment touché une autre typologie de collectionneurs plus aisées qui vous me permettrait d’augmenter vos prix ?

Il s’agit ici de questions qui sont intéressants et qu’il est possible de solutionner via la bonne stratégie marketing et commerciale. Cependant n'oubliez pas cette notion d'investissement.

Notion qui résonne peut-être davantage en vous maintenant. Peut-être avez-vous un investissement qui est supérieur aux bénéfices gagner et qu’il serait intéressant de rééquilibrer.

Vous êtes libre d’analyser à quoi cela fait écho dans votre quotidien. Cet investissement peut aussi être temporel. Peut-être que vous passez trop de temps sur certaines œuvres par rapport au prix où vous les vendez.

Ce n’est qu’un exemple, la notion d’investissement va raisonner pour chacun et chacune d'entre vous différemment. Ce que je souhaite vous expliquer, c'est que la rentabilité, c’est ce rapport et cet équilibre entre investissement et bénéfice.

Le terme qu’il est aussi important de rapprocher et d’analyser lorsque l’on parle de rentabilité, c’est le risque. Plus vous prendrez de risques, plus vous aurez des chances de voir votre rentabilité augmenter.

Prenons l’exemple des prix : si vous osez augmenter le prix d’une série qui, selon vous, pourrait rencontrer un franc succès, vous avez un intérêt à prendre ce risque.

Parce qu’en réalité, en faisant ce choix, vous ne prenez pas de risque inconsidéré. Vous avez toujours la latitude d’offrir un rabais à un potentiel collectionneur qui veut acheter l'œuvre et qui trouve que le prix est légèrement supérieur au budget initialement prévu.

Dans ce cas de figure, l’objectif, c'est d'accroître votre rentabilité. Donc, si tous les voyants sont au vert et que vous avez un public, une audience qui marque un intérêt particulier pour votre travail, vous n’avez qu’à essayer.

Pourquoi ne tenteriez-vous pas d'augmenter légèrement les prix et de voir quelles sont les retombées ?

La rentabilité, ce n'est pas un exercice mathématique complexe, c’est simplement le ratio entre le prix et le taux horaire que l’on a mis à créer une œuvre. Mais je pense que c'est plus complexe que cela. Vous devez surtout avoir le sentiment de récolter les fruits suffisants pour votre travail. Par là, j’entends l'argent gagné sur l'investissement que vous avez mis dans vos œuvres. C’est la notion qu’est la rentabilité pour vous, les artistes.

Est-ce que les matériaux, l'énergie, le temps que je mets dans ces créations sont proportionnels ou du moins alignés avec le chiffre d'affaires que je dégage ?

Si la réponse est non, si vous sentez que vous n’êtes pas alignés, je crois qu'il est temps, à ce moment-là, de réfléchir à la notion de rentabilité et de voir du côté des investissements et du côté des bénéfices, comment il est possible de rééquilibrer cette balance.

Vous pouvez aussi vous demander, dans toutes vos activités artistiques, quelle est celle qui vous génère le plus de bénéfices ? Comment pourriez-vous faire pour les augmenter ?

À l'inverse, questionnez-vous sur ce qui vous demande beaucoup de temps mais vous rapporte peu ?

Regardez dans quelle mesure vous pouvez baisser, diminuer, faire à minima ce type d'activité. Il n’est pas possible de les faire disparaître, parce que si elles existent, c'est qu'elles vous plaisent et qu'elles vous animent.

Vous êtes des artistes, vous n'êtes pas des chefs d’entreprise, vous ne pouvez pas arrêter une pratique pour la seule raison qu’elle n’est pas lucrative. Parce qu’en dehors de cet aspect pécuniaire, elle peut vous apporter et vous animer énormément.

C’est pourquoi je tenais à vous dire que je vous comprends. Je sais qu'on ne peut pas faire disparaître ça, sauf si évidemment vous le voulez et que vous êtes d’accord.

Toutefois, je crois qu'il faut avoir une forme d'intelligence économique sur son activité d'artiste et faire des arbitrages en conséquence. Il est aussi important de définir des priorités. Vous ne pouvez pas accorder le même temps pour chacune de vos activités.

Donc ne faites pas trop et ne faites pas tout en même temps. Peut-être que si vous arrivez dans un temps où vous souhaitez mettre l'accent sur l’aspect financier, il est temps de se concentrer sur ce qui est très rémunérateur et de faire passer au second plan ce qui l'est moins.

Cela ne veut pas dire que vous ne le referez plus ou que vous ne terminerez jamais cette série. Cela veut simplement dire que vous retrouverez plus tard cette activité ou ce médium qui est moins rémunérateur.

Et vous allez transformer peut-être différemment ces séries, avoir de nouveaux relais, apporteurs d'affaires qui vous permettront de les commercialiser différemment. Mais chaque chose en son temps.

Donc, en fonction de votre objectif et de vos besoins, il faut équilibrer la balance de la rentabilité, des investissements et des bénéfices. Analysez où vous vous situez et ce qu’il faut prioriser.

Enfin, la dernière notion que je trouve importante d’aborder dans cet épisode, c’est les bénéfices.

À nouveau, il existe des bénéfices qui ne sont pas financiers. Par exemple, si vous recevez une proposition de collaboration pour travailler avec un acteur du monde de l’art, une marque, une institution, choisissez un protagoniste qui vous tient à cœur et qui vous fait rêver, mais que le budget proposé est en dessous de vos prix.

En revanche, votre cœur vibre et vous avez terriblement envie que ce projet voie le jour parce que vous savez qu’il peut vous apporter beaucoup.

Vous pouvez vous dire que ce sera un projet « carte de visite ». Qui dans l’immédiat ne sera pas très lucratif mais qui, dans la durée, pourrait vous apporter de la reconnaissance et des opportunités, notamment par le biais de belles actions de communication.

Dans le milieu entrepreneurial, nous disons « ça fera des petites sœurs », sous-entendu qu’un projet mère peut donner suite à d’autres projets qui seront plus rentables. L’idée est de voir certains projets comme des investissements dans l’avenir.

Attention tout de même, sur les propositions où vous êtes uniquement rémunéré en visibilité. Posez-vous vraiment la question : est-ce que la visibilité que va m’apporter ce projet est un bénéfice suffisant pour moi ou essaie-t-on de m’avoir ? C'est la question que vous devez sans cesse vous poser. En matière de rentabilité, l’équilibre se situe à l’intersection de l'investissement et des bénéfices.

Je sais que c'est difficile quand nous sommes artistes de réfléchir en termes de rentabilité. On est emporté par son enthousiasme, par un élan créatif, par quelque chose de poétique qui résonne et qui ne demande qu'à naître, même si parfois, la rentabilité peut être mise de côté.

L’objectif n'est pas de se restreindre, de se contenir et de se mettre des limites. L'idée est d'appréhender cette notion de rentabilité pour ne pas tomber dans l’éternel écueil d'être uniquement guidé par son enthousiasme et son élan créatif. Il est aussi important de récolter les fruits que l’on mérite et de ne pas avoir l'argent qui est proportionnel, finalement, à l'énergie investie.

Essayez d'appréhender cette notion comme une notion presque de justice et d'aller vers quelque chose de l'ordre de la justesse. Quand on s'investit, quand on donne, c’est aussi normal de recevoir. Vous êtes légitime quand vous donnez, quand vous faites circuler, quand vous vous investissez, de recevoir.

Voilà, essayez d'accueillir cela et essayez dans votre vie de faire plus de place pour pouvoir recevoir. Si vous êtes quelqu'un qui donne beaucoup, posez-vous la question de savoir si vous recevez à la hauteur de ce que vous méritez ?

Si la réponse est non, c'est peut-être qu’il y a des ajustements à faire. Il y a peut-être des dons de soi à revoir. La question n'est pas d'arrêter tout, mais simplement de mettre un peu plus d’équilibre afin de faire bouger les lignes.

J'espère que cet épisode vous aura plu. N'hésitez pas à m'écrire sur Instagram si vous avez des questions et à partager l'épisode autour de vous.

Je suis sûr que c'est un épisode qui pourra aider d'autres artistes de votre entourage. Et si ce n'est pas déjà fait, abonnez-vous au podcast.

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